source: 24 heures

Vigne – L’Etat s’attaque à une maladie qui fait son apparition dans le canton de Vaud, sur la Riviera. Elle est propagée par un insecte, la cicadelle.

De cette vigne, il ne reste qu’un terrain labouré. Tous les pieds viennent d’être arrachés. Sur la parcelle voisine, d’autres ceps, peints en orange, sont aussi condamnés. Nous sommes au lieu dit La Doges, sur les hauteurs de La Tour-de-Peilz, à la frontière avec les communes de Blonay et de Montreux. C’est dans ce vignoble, propriété de la Confrérie des vignerons de Vevey, que la flavescence dorée vient de faire son apparition pour la première fois au nord des Alpes en Suisse. Deux autres petites vignes toutes proches ont aussi été touchées par cette maladie. Jusqu’ici, sa présence dans ce pays était limitée au Tessin, où elle est présente depuis 2004.

Plusieurs cépages touchés

Ces derniers jours, le Canton de Vaud est passé à l’attaque, édictant plusieurs mesures pour éviter que le mal ne se propage, voire pour l’éradiquer. «L’Etat a délimité un périmètre de lutte de 70 hectares autour du vignoble de La Doges», explique François Murisier, conseiller de la Confrérie des vignerons de Vevey et ancien directeur de la section viticulture-œnologie à l’Agroscope de Changins.

«Le réchauffement climatique favorise à coup sûr l’extension de la maladie vers le nord»

Sur la parcelle de la Doges, louée à Obrist, et qui s’étend sur 15 000 m2, près de 3500 m2 de vignes ont ainsi été arrachés sur ordre de l’Etat. «L’an passé déjà, le Service de l’agriculture m’avait demandé de déterrer les ceps dont les feuilles étaient très fortement colorées, commente Xavier Bühlmann, vigneron-tâcheron pour le compte d’Obrist. Mais, cet automne, les feuilles se sont encore davantage colorées.»

Des tests plus approfondis ont donc été effectués. Et les analyses moléculaires pratiquées par le laboratoire de phytoplasmologie d’Agroscope à Changins ont fait apparaître la présence de la flavescence dorée sur des ceps de gamay, garanoir, gamaret, mara et pinot noir d’âge variable. Le chasselas semble plus résistant à la maladie. «Ces tests nous ont confirmé qu’il ne s’agissait pas du bois noir, une autre jaunisse de la vigne, moins dangereuse mais qui présente les mêmes symptômes, coloration des feuilles avec enroulement vers le bas, dessèchement de la rafle, flétrissement de la grappe, ou encore non-aoûtement des sarments», précise Jean-Michel Bolay, ingénieur viticole au Service de l’agriculture.

Dissémination très rapide

Les jaunisses de la vigne sont provoquées par des phytoplasmes, sortes de bactéries. La flavescence dorée est la plus importante et la plus redoutée (lire ci-dessus). Car avec son développement épidémique, caractérisé par une dissémination très rapide dans les vignobles, elle figure parmi les maladies de quarantaine soumises à la lutte obligatoire. «C’est pourquoi il est impératif d’annoncer rapidement l’existence de plantes présentant ces symptômes lorsque leur densité atteint cinq ceps par are, poursuit Jean-Michel Bolay. Le Canton va d’ailleurs s’engager à indemniser les vignerons touchés. Sans traitement, la vigne risque de mourir. Mais, à l’exemple du Tessin, où la maladie est présente depuis onze ans, le vignoble peut survivre avec des mesures adéquates.» A défaut d’un traitement curatif contre la flavescence dorée, ces mesures relèvent avant tout de la lutte indirecte, engageant l’arrachage et l’élimination des plants malades, mais aussi la lutte contre la cicadelle, vecteur de la maladie, à l’aide d’insecticides. «La Confrérie des vignerons de Vevey veut aussi former ces experts à la lutte contre ce fléau», glisse Xavier Bühlmann.

La flavescence dorée est transmise de cep à cep par la cicadelle, mais aussi par l’homme, dans le cadre du commerce de plants de vignes. «Au vu des nombreux échanges des viticulteurs vaudois avec la Savoie, déjà fortement touchée par la maladie, le risque de propagation est réel», ajoute Jean-Michel Bolay. Les pépiniéristes viticoles doivent donc traiter par thermothérapie les barbues (jeunes plants) lors de la production des plants de vigne. De plus, un passeport phytosanitaire est désormais nécessaire lors de la mise en circulation de matériel végétal.